[b][u]Bové prêt à être le candidat unique à gauche du PS[/u]
Il se ressource. Loin des pressions des Verts, de l'agitation des réseaux militants parisiens et de ses virées internationales, José Bové a rechaussé ses bottes pour couler du béton et installer des mangeoires dans la nouvelle bergerie qu'il construit dans sa ferme de Montredon (Aveyron). Bonnet vert kaki enfoncé jusqu'aux oreilles, pantalon et vareuse de la même teinte fatiguée, c'est auprès des gens du "plateau" — cette terre sèche et venteuse du Larzac — qu'il veut réfléchir. Se lancer dans la campagne présidentielle de 2007 en trublion râleur de la campagne du non au référendum ou rester ce porte-voix des petits paysans et autres exploités du Sud ? "J'écoute et attends l'éclairage de la petite lumière intérieure", dit-il dans un sourire, citant Gandhi, l'un de ses maîtres à penser avec Henri David Thoreau, philosophe américain pacifiste, pour qui " le respect de la loi vient après celui du droit".[/b]
Les signaux jusqu'à présent étaient plutôt encourageants. Un succès de la campagne du non au référendum qui l'a introduit dans l'arène politique, des sollicitations de militants des collectifs du non pour "qu'il y aille", une délégation de la gauche des Verts qui se rend en catimini chez lui, le 2 janvier, pour voir s'il peut devenir leur candidat... jusqu'à une bande dessinée de Jul (dessinateur à Charlie Hebdo), intitulée Il faut tuer José Bové, qui le met en scène avec ses moutons.
Les instituts de sondages ont suivi. Régulièrement testé depuis 2003, son indice de popularité ne se dément pas. Bové recueille 51 % d'opinions favorables des Français et 64 % parmi les électeurs de gauche, selon le tableau de bord de l'IFOP de décembre 2005. Tout semble mis en place pour que le héraut de la lutte altermondialiste se déclare.
L'anarcho-syndicaliste, pourfendeur d'un système institutionnel "verrouillé", se dit "prêt à participer". Pas comme candidat d'un parti, a-t-il précisé aux Verts. Ni en opposition au PCF ou à la LCR, plaide-t-il depuis des semaines. Il dit attendre de ces deux partis qu'ils ne jouent pas leur partition présidentielle en solo.
S'il se lance, "c'est pour changer les choses et faire vivre une transformation à gauche", indique l'intéressé. "Je n'ai pas de destin perso, mais le plus mauvais scénario serait une course à l'échalote entre le PCF, les Verts et la LCR qui gâcherait tout", explique-t-il encore la pipe au coin des lèvres.
Ce "néorural" qui n'aime rien tant que l'action et la lumière s'y verrait donc bien. Mais, entre deux coups de fils de Bamako, capital du Mali, où il doit se rendre pour le prochain Forum social mondial, fin janvier, il hésite encore. Les conseils de ses proches étant, de surcroît, très contradictoires.
La discussion anime le Larzac et divise les soutiens de "José". Son vieil ami Pierre Bruguières, compagnon de lutte contre le camp militaire, y est opposé : "Il représente pour des milliers de gens un espoir, un idéal. S'il se lance dans la politique, c'est fini !", assure ce paysan à la retraite. "Il faut qu'il reste le poil à gratter des politiques et des multinationales", ajoute-t-il. Pour Jean-Paul Socquart, néorural comme lui, le leader paysan n'a tout simplement pas la carrure de l'emploi : "José ne fera pas le poids face aux appareils politiques", craint-il.
Même son de cloche à la Confédération paysanne, le deuxième cercle où Bové puise ses conseils et ses appuis. "Réduire cette dynamique de contestation collective à une participation à une élection serait une erreur. Ce n'est pas le rôle du mouvement altermondialiste de jouer à ce jeu dangereux", explique Jean-Emile Sanchez, ancien porte-parole du syndicat.
Certains craignent que les vieux travers du leader paysan ne ressortent à l'occasion. Une propension à partir seul, à "foncer" sans l'avis des autres quand il pense qu'il a raison et l'attrait de se savoir sur le devant de la scène. "Il ne prend pas toujours le temps d'expliquer ce qu'il fait", reconnaît une proche.
A l'opposé, les plus jeunes poussent. Comme Evelyne Giroux, sa jeune associée dans le GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) de Montredon. Pour cette ancienne prothésiste, pas de doute, il doit y aller. "Il faut une candidature à gauche du PS portée par José. J'espère que les collectifs issus de la campagne du non seront en capacité de saisir cette chance." Son avocat, François Roux, qui le défend depuis 1976, le pousse en douceur à franchir le pas. "Après la campagne du référendum, personne d'autre que lui ne peut fédérer ce qui s'est exprimé. Il a un discours qui parle aux gens, et peut faire rêver", veut croire Me Roux.
L'intéressé, lui, écoute et attend le "déclic". Avec un calendrier déjà en tête. L'occasion pourrait venir de la réunion nationale des collectifs du non en avril. "Ils auront la légitimité à lancer un appel pour une candidature unitaire à gauche du PS", analyse l'homme à la moustache. Et Bové pourrait alors se déclarer lors de la manifestation antinucléaire des 15 et 16 avril à Cherbourg, à l'occasion des vingt ans du drame de Tchernobyl.
[quote]MANDATS
Né en 1953, José Bové a été deux fois membre du secrétariat national de la Confédération paysanne : une première fois en 1987 puis en 2001 où il était également porte-parole du syndicat. Il n'a plus de mandat depuis avril 2004.
RESSOURCES
Le leader paysan, membre d'un groupement agricole d'exploitation en commun, entretient avec ses deux associés une ferme de 174 hectares (dont 30 labourables) et est à la tête d'un cheptel de 200 brebis. Son activité fromagère rapporte à M. Bové 1 200 euros par mois. Il touche en plus 3 200 euros par an d'aides européennes. [/quote]
Source : LEMONDE