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http://s.tf1.fr/mmdia/i/85/8/2122858_5.jpg[/img][b][u]Droits d'auteur : la table ronde de Sarkozy pour éviter un fiasco[/u]
Lundi, dans les bureaux de l'UMP, Nicolas Sarkozy avait réuni divers acteurs concernés par la loi sur le droit d'auteur. Récit d'une heure et demie tendue au cours de laquelle le président du parti de droite a pioché les idées qui devraient, espère-t-il, guider le vote de ses députés.[/b]
Nicolas Sarkozy prévient d'emblée : c'est en tant que président de l'UMP qu'il a organisé cette table ronde entre représentants des industries culturelles et internautes. Pour lui, la stratégie est simple. Il faut enterrer l'idée d'une licence globale et essayer de dégager un consensus autour duquel il pourra rassembler les élus de l'UMP pour ne pas reproduire les dissensions de décembre dernier.
La licence globale comme piétinée
Il sait pourtant combien l'exercice peut être périlleux : "rien que pour organiser cette rencontre", il s'est fait "engueuler par un nombre de gens considérable". En préambule, il prend ainsi soin de ménager la chèvre et le chou, d'expliquer que "la démocratisation de la culture n'est pas la gratuité de la culture", mais que "ceux qui téléchargent ne cherchent pas seulement la gratuité, mais aussi la simplicité et la diversité des services".
Prenant ensuite la parole, artistes et représentants de l'industrie culturelle se livrent à un massacre en règle de la licence globale, comme s'il fallait encore rouer de coups ce qui semble être, d'un consensus commun, une idée moribonde. Seul à se risquer à en défendre le principe, Julien Dourgnon de l'UFC-Que Choisir se verra renvoyer dans les cordes à plusieurs reprises par les représentants des majors et du cinéma. Il sera raillé par Jean-Jacques Goldman au milieu d'une phrase. Il sera réprimandé par le président d'UGC pour avoir osé dire qu'une place de cinéma coûtait 10 euros. On ne défend pas un concept qui "brise le lien entre effort et rémunération" (Laurent Petitgirard - SACEM), qui met à bas le "droit moral des auteurs et autres ayant-droit" (le réalisateur Bertrand Tavernier). On ne fait pas la promotion d'un système qui ferait "payer pour télécharger des œuvres dégueulasses, d'une qualité exécrable" condamne un Pascal Rogard (SACD) particulièrement véhément.
L'importance de l'interopérabilité
Mais quelle solution ? Pour Jean-Jacques Goldman, que de palabres ! C'est pourtant si simple, affirme-t-il, avec un sourire candide : l'offre légale est satisfaisante (même si lui-même n'a toujours pas ouvert son catalogue aux diverses plateformes), et la solution au piratage simple, "punir ceux qui volent". Loin de se satisfaire de la situation actuelle, le reste de l'industrie comme des artistes est conscient qu'il y a des efforts à faire, tout en soulignant que le développement de l'offre légale "ne peut se faire qu'en empêchant le téléchargement sauvage et en encourageant l'interopérabilité entre les plateformes", comme le résume Denis Olivennes, PDG de la Fnac.
Face à une industrie et des artistes péremptoires, rodés à l'exercice, les représentants des internautes, des logiciels et de la musique libres ont eu un peu de mal à se faire entendre. François Elie, président de l'ADULLACT (1), a pu rappeler que la loi devait consacrer l'interopérabilité des mesures de protection, et qu'elle ne devait pas aller à l'encontre des logiciels libres, de plus en plus utilisés par l'administration.
Sarkozy se prépare à recadrer
Mais pour les autres, ce fut plus difficile : car lorsque vient le moment d'entendre l'adversaire, artistes et producteurs ont la répartie rapide et respectent un peu moins les temps de parole, profitant de leur position de victimes. L'entrepreneur et blogueur Loïc Le Meur et Laurent Kratz, l'un des fondateurs de la plateforme musicale Jamendo, défendent le droit des artistes à offrir leurs œuvres et à les laisser libres de droit ? Pour Laurent Petitgirard et Pascal Nègre, c'est déjà possible, il n'y a pas de problème, circulez. Philippe Astor, journaliste spécialisé, demande pourquoi les webradios n'ont pas droit à la licence légale dont bénéficient les hertziennes ? Pascal Nègre réplique qu'il ne veut pas que n'importe qui puisse faire une radio "qui ne diffuserait que le dernier album de Jean-Jacques Goldman". Fin du débat.
Pendant ce temps, Sarkozy et son équipe écoutent, et notent. Les sept points qu'il évoque (le septième sera rajouté suite à un nouvel échange entre les participants) dessinent un compromis sur les cendres de la licence globale. Les inquiétudes des artistes et producteurs sont bien sûr prises en compte, mais le président de l'UMP évoque également l'importance des webradios ou de l'interopérabilité. Comme pour mieux souligner que le terrain est mouvant, Nicolas Sarkozy insiste pour "qu'on ne tarde pas à légiférer" mais que l'on puisse changer "au cas où tout change". Et tout en posant les garanties pour les auteurs, il insiste sur une certitude : "on ne peut pas raisonner en fonction d'un état de fait technologique".
Après la clôture, les deux parties partent sans trop échanger leurs vues. Sarkozy a déjà quitté la salle, l'air satisfait d'avoir franchi une première étape en écartant la licence globale. Mais tout n'est pas gagné : dans son groupe, il va falloir en recadrer certains. Mardi, Bernard Accoyer, le patron des députés UMP, a prévenu : "on n'ira pas au vote sans que tout le monde soit d'accord". Il reste trois semaines pour convaincre.
(1) Association des Développeurs et des Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales Image d'archive
Source: LCI