[b][u]Voeux à la presse[/u]
2005 apparaît déjà comme une des années les plus sombres que la France ait vécu ces vingt dernières années. Notre pays n’aura connu qu’une succession de crises aigues :
Crise économique avec une régression de notre économie dans une compétition internationale qui nous échappe par l’aveuglement de nos replis nationalistes; crise sociale avec un chômage à près de 10% de la population qui n’en finit plus de désespérer notre jeunesse ; crise des finances publiques avec un endettement abyssal ; crise sociétale avec un embrasement des banlieues qui montre combien la fracture sociale devient de plus civique et politique ; crise politique avec des citoyens de plus en plus défiants à l’égard des pouvoirs publics comme l’atteste le résultat négatif du référendum sur le traité constitutionnel européen.[/b]
Ces crises sont le symbole d’une communauté nationale en manque de confiance et de fierté. Le reproche d’arrogance, qui nous est si souvent adressé par nos voisins, s’est transformé en une spirale infernale de repentance et de dénigrement de soi témoignant autant d’un manque de maturité que d’une absence de foi en l’avenir. Le succès de l’exposition du musée d’Orsay sur la mélancolie comme le retour de flamme pour les années Mitterrand traduisent l’opinion d’un pays devenu nostalgique qui cherche son avenir le regard vissé dans le rétroviseur.
Les outrances verbales ne pourront pas longtemps masquer le sentiment d’une impuissance publique et politique, d’une capacité à pouvoir peser sur le destin collectif et à offrir un nouveau dessein (une vision) pour la France.
Le déni démocratique dans lequel nous vivons empêche de façon irrémédiable une réconciliation entre la France institutionnelle et la France réelle. Il est le résultat d’un autisme présidentiel qui a refusé de tirer les conséquences du verdict des urnes et une incapacité affligeante à faire vivre pleinement la démocratie participative. Cette démocratie en trompe-l’oeil s’accompagne d’une pensée unique qui préfère nier la réalité et remettre toujours à demain les réformes structurelles qui s’imposeront inévitablement.
Dans un monde paradoxal, où la mondialisation est un fait, où certains pays comme la Chine jouissent d’un taux de croissance exponentiel, où la crise énergétique et écologique nous fait vivre sur un volcan, la France entretient l’illusion de la pérennité d’un modèle à bout de souffle.
Une triple révolution s’impose progressivement :
- celle du renouvellement politique et notamment un rôle accru des femmes dans l’exercice du pouvoir. En Allemagne comme au Chili, elles apportent une nouvelle vision de l’action publique faite de méthodes courageuses, directes mettant en concordance les paroles et les actes.
- Celle de l’inévitable union nationale pour trouver les consensus indispensables aux transformations à venir. Le quinquennat qui se finit aurait été celui d’une occasion manquée. Fort de ses 82%, Jacques Chirac avait une chance historique de réunir les Français autour d’un projet de société. Quelque soit la Présidente ou le Président élu en 2007, il ne pourra faire l’économie d’un rassemblement politique réunissant la majorité la plus large pour entreprendre une politique ambitieuse de rénovation.
- Celle d’une économie réconciliée avec l’écologie et le social qui tourne résolument le dos à l’hyperconsommation.
Dans un monde en quête de sens, les Françaises et les Français sont plus que jamais en demande d’intelligence. Ils ont besoin que l’on trace un chemin affrontant les réalités du présent et dessinant les possibilités de notre avenir.
2006 sera une année charnière entre les legs d’une époque qui se clôt progressivement et l’espoir de temps nouveaux.
Espérons que collectivement nous saurons relever ce pari de l’intelligence et de l’action. L’urgence de la situation l’exige. Pour cela, je suis convaincue de la nécessité de transcender les habituels clivages gauche-droite. C’est pourquoi j’oeuvrerai avec CAP 21 à la constitution d’un pôle réformiste avec l’ensemble des personnalités politiques, courants ou formations de gauche comme de droite partageant les mêmes idéaux humanistes, écologistes et républicains si tenté qu’au-delà des mots, les ambitions personnelles et cuisines politiciennes de chacun ne prennent le pas sur la préparation d’un projet profondément réformateur, porteur de changement et de rupture.
Je vous souhaite mes voeux les plus sincères et les plus chaleureux pour 2006
Corinne Lepage
Janvier 2006