PARIS (AFP) - L'abbé Pierre, défenseur des pauvres depuis plus de 50 ans, a tenu à faire entendre la voix des mal logés à l'Assemblée où les députés débattaient d'amendements UMP sur la législation en matière de logement social, une question qui, selon lui, "met en cause l'honneur de la France".
Reprenant son bâton de pèlerin, malgré la fatigue et ses 93 ans, celui qui a fait de la lutte contre la pauvreté le combat d'une vie a effectué une véritable piqûre de rappel auprès des députés et exhorté le président Jacques Chirac à défendre les mal logés.
Pris d'assaut par une multitude de caméras et de micros, à son arrivée à l'Assemblée vers 17H00, sur une chaise roulante, le fondateur d'Emmaüs a prononcé quelques mots d'une voix tremblante dans la salle des pas perdus avant de rejoindre les tribunes du public pour suivre les débats sur le projet de loi Engagement national pour le logement (ENL) défendu par le ministre de la cohésion sociale Jean-Louis Borloo.
"Si je suis là 50 ans après l'époque où j'étais parmi vous les députés, c'est que sans aucun doute se trouve mis en question l'honneur de la France", a déclaré celui qui fut député MRP de Meurthe-et-Moselle de 1945 à 1951 et consacrait ses indemnités parlementaires aux cités d'urgence de l'après-guerre.
"L'honneur, c'est quand le fort s'applique à aider le moins fort", a-t-il poursuivi, rappelant qu'un million de familles étaient concernées par le "mal logement".
"Il ne faut pas reculer dans un effort qui a été commencé, les plus forts doivent penser à servir les plus faibles", a-t-il plaidé, en allusion à des amendements présentés par des députés UMP remettent en cause l'article 55 de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains).
Cet article impose notamment aux communes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Ile de France) de construire 20% de logements sociaux sous peine de pénalités considérées comme dérisoires pour des municipalités riches.
Drappé dans un imperméable gris, l'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, a lancé un appel au président Jacques Chirac: "faites pression sur les députés qui ont la tentation de réduire les soutiens qui sont apportés aux petits, faites pression pour que la loi qui oblige à construire 20% de logements sociaux soit respectée, faites pression, Monsieur le Président, pour qu'aucun de ceux qui vous écoutent, pour qu'aucun de ceux qui vous ont élu ne s'abaisse à faire diminuer la loi qui veut 20% de logement +banal+ dans les municipalités".
"Le mot social, à son origine signifiait la bonne compagnie, aujourd'hui le mot social est considéré comme évoquant ce qui n'est pas propre, pas honnête", a souligné l'abbé. "Le mot social deviendra peut-être inutilisable, tellement il est devenu synonyme de ce qui ne se fréquente pas", a-t-il lancé, insistant sur la nécessité d'une mixité sociale pour assurer "la paix" dans les villes.
Salué à son arrivée par le président du groupe PS Jean-Marc Ayrault, puis par le président de l'Assemblée nationale Jean-Louis Debré dans les tribunes, l'abbé Pierre est reparti au bout d'une demi-heure, avouant qu'il entendait mal.