[b][u]Lafaille, dernier d'une génération de talentueux alpinistes français décimée [/u]
GRENOBLE (AFP) - Jean-Christophe Lafaille, 39 ans, disparu lors d'une ascension hivernale en solitaire du Makalu (8.463 mètres), au Népal, était le dernier d'une génération de talentueux alpinistes français décimée par les accidents en Himalaya.[/b]
Il a multiplié les exploits au fil des ans, repoussant sans cesse les limites et s'imposant comme un des plus grands himalayistes.
Il s'était retrouvé sous les feux de l'actualité en 1992 dans des circonstances tragiques. Lancé avec le grand himalayiste Pierre Beghin dans une tentative d'ascension de la face sud de l'Annapurna, une gigantesque muraille rocheuse, il se retrouve seul à 7.000 mètres après une chute mortelle de son compagnon, avec la corde et le matériel. Il accomplit alors l'exploit de désescalader seul en cinq jours l'immense paroi, arrivant hagard au camp de base où l'on avait perdu tout espoir de le revoir vivant.
Il se signale à nouveau à l'attention du public en 1995 par un extraordinaire enchaînement en solitaire et en seize jours des dix plus célèbres parois des Alpes du Nord, de l'Eiger aux Grandes Jorasses, se déplaçant entre elles en ski et à pied.
En 1996, il enchaîne deux sommets de plus de 8.000 mètres en solitaire, les Gasherbrum II (8.035 mètres) et Gasherbrum I (8.068 mètres). En 2004 enfin, il réussit une ascension hivernale en solitaire d'un sommet de plus de 8.000 mètres, jugée impossible jusque-là.
Ses occasionnels compagnons de cordée assurent qu'il suffit de voir sa prodigieuse dextérité sur la neige, la glace ou le rocher pour comprendre qu'il s'agit d'un alpiniste "hors du commun". Cet homme de 1,60 m donne, selon eux, une extraordinaire impression de puissance en montagne. "Il a dû pallier sa petite taille. C'est peut-être ce qui l'a hissé à un si haut niveau", a déclaré dans une interview son ancien mentor, le guide chamoniard Daniel Badaroux.
Jean-Christophe Lafaille s'est toujours astreint à un entraînement poussé, minutieux et très réfléchi, travaillant aussi beaucoup les questions de diététique, de récupération et de contrôle de soi.
Fidèle en amitié, gentil et discret, Jean-Christophe Lafaille s'exprimait peu en public, vivant de sa notoriété mais fuyant la célébrité. Interrogé sur ses motivations, il aimait citer son maître, Reinhold Messner, le plus prestigieux des himalayistes: "S'aventurer là où aucun être n'est jamais allé, là ou personne ne peut plus vous suivre, ni vous comprendre".
A son retour de son ascension hivernale au Shishapangma (Tibet), il parlait de l'arrivée au sommet, après des efforts surhumains, comme d'un "moment magique". "On est alors terriblement fragile et immensément puissant", décrivait-il.
Les himalayistes de sa génération ont tous tragiquement disparu: Pierre Beghin en 1992 à l'Annapurna, Benoît Chamoux (13 sommets de plus de 8.000 mètres et le quatorzième, le Kanchenjunga, dont il n'est pas redescendu en 1995), Chantal Mauduit (6 sommets), ensevelie sous une avalanche en 1998 au Dhaulagiri, et Eric Escoffier (6 sommets), disparu trois mois plus tard, au Broad Peak.
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