[b][u]Mobilisation contre le CPE dans toute la France[/u]
PARIS (Reuters) - Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté en France contre le contrat première embauche (CPE), une mesure pour l'emploi des jeunes que le gouvernement entend résolument mettre en oeuvre.[/b]
Le cortège parisien a rassemblé 45.000 personnes, selon les organisateurs, 13.000 selon la police, à l'appel des syndicats CGT, CFDT, Force ouvrière, CFTC, FSU, UNSA, ainsi que de l'Union nationale étudiants de France (Unef) et de l'Union nationale lycéenne (UNL).
Quelque 150 manifestations se sont déroulées dans toute la France au rythme de slogans tels que "C comme chômage, P comme précarité, E comme éjectable", "Contrat Pourri à Eliminer", ou encore "CPE: Contrat Poubelle Embauche".
La police a notamment dénombré 15.000 manifestants à Toulouse, 8.000 à Bordeaux et Rennes, 7.800 à Grenoble, 5.000 à Lille.
Après un tour de chauffe en demi-teinte le 31 janvier, l'opposition de gauche et les syndicats ont voulu voir l'amorce d'une fronde à long terme dans la mobilisation de mardi, jour de l'ouverture du débat sur le CPE à l'Assemblée nationale.
"Les manifestations d'aujourd'hui nous permettent de dire que nous bénéficions d'une assise suffisante pour envisager des suites", a dit le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.
"Il y a eu un déclic ces derniers jours", a estimé Bruno Julliard, président de l'Unef, qui espère jeter "les bases d'une mobilisation qui dure" grâce à une "convergence" entre salariés et étudiants.
Les syndicats avaient fait montre de prudence dans la perspective de cette journée d'action, invoquant la volonté du gouvernement de les prendre de vitesse en recourant à la procédure d'urgence, ou encore la période des vacances scolaires.
L'Unef a salué "une réussite", demandant au gouvernement de retirer son projet. "L'Unef mettra tout en oeuvre pour continuer à mobiliser les étudiants jusqu'au retrait pur et simple du projet de loi", déclare l'organisation dans un communiqué.
"De Villepin qui, comme Chirac, ne comprend pas la jeunesse (voire la méprise), sera désormais contraint de voir que son contrat anti-jeune est rejeté par une grande majorité des jeunes et de la population", déclare pour sa part le Mouvement des jeunes communistes (MJC).
Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, souhaite que "la pression continue" pour obliger le gouvernement à "reculer".
Confronté à sa première épreuve sociale, Dominique de Villepin s'est dit à l'écoute des manifestants, en majorité des étudiants et des lycéens, mais aussi de "ceux qui ne manifestent pas", et a réaffirmé que la sécurité dans l'emploi en France passait par des "changements".
"JUSQU'AU BOUT"
"J'écoute ceux qui désespèrent de pouvoir trouver un emploi stable, tous ceux qui s'inquiètent pour leur avenir", a lancé le Premier ministre lors de la séance des questions d'actualité à l'Assemblée, qui s'est déroulée dans une ambiance de guérilla parlementaire.
Le gouvernement, qui n'excluait pas le recours à l'article 49-3 pour faire adopter le CPE sans débat ni vote, s'est engagé mardi par la voix de Jean-Louis Borloo, ministre du Travail, à aller jusqu'"au bout des questions".
L'ordre du jour des travaux parlementaires a été modifié pour permettre aux députés de siéger vendredi, samedi et éventuellement dimanche.
Tous les autres textes ont été retirés de l'ordre du jour, pour ne conserver que le projet de loi sur l'égalité des chances, qui inclut l'amendement gouvernemental créant le CPE, mesure annoncée le 16 janvier par Dominique de Villepin.
Les députés se prononceront sur l'ensemble du texte le 21 février, le Sénat devant l'examiner à partir du 28 février.
"On peut encore remettre les décisions à plus tard, on peut se réfugier dans l'immobilisme, on peut faire croire aux Français que la sécurité, c'est de ne pas changer, que c'est le statu quo, mais la vérité, c'est que la sécurité pour les Français dans l'emploi, elle passe par des changements", a justifié le chef du gouvernement.
Le CPE est un contrat à durée indéterminée (CDI) destiné aux moins de 26 ans qui est assorti d'une période d'essai de deux ans au cours de laquelle l'employeur est libre de licencier sans motif avec un préavis de quinze jours.
L'opposition de gauche et les syndicats dénoncent une systématisation de la précarité pour les jeunes, "un nivellement de la jeunesse par le bas", la mort annoncée du CDI.
Présente dans le défilé de Lille, Martine Aubry, ancienne ministre des Affaires sociales, a dénoncé "un contrat jetable", et Ségolène Royal, favorite dans la course aux candidatures socialistes pour 2007, a exigé le "retrait immédiat" de l'amendement CPE.
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