[img]
http://www.lefigaro.fr/photos/20051222.FIG0004_1.jpg[/img][b]Jamel Debbouze, Matthieu Kassovitz, Luc Besson, Yannick Noah... Depuis la crise des banlieues, le ministre de l'Intérieur est violemment pris à partie par une frange du monde du spectacle.[/b]
LES 10 ET 17 DÉCEMBRE, dans l'émission de Thierry Ardisson, «Tout le monde en parle», sur France 2, Nicolas Sarkozy, absent du plateau, a tenu le haut de l'affiche. Mais pour être couvert de quolibets.
Depuis les explosions de violences dans les banlieues, le présidentiable de l'UMP n'a plus la cote dans le petit monde du show-biz. Jamel Debbouze, invité par Ardisson pour faire la promotion de son film Angel-A, compare le ministre de l'Intérieur à «un bourgeois qui arrive avec des caméras et qui regarde des petits rebeux, et qui leur dit : «Je vais vous nettoyer au Kärcher, bande de racailles.» Et il en profite pour donner une leçon de vocabulaire : «Racaille, ça veut dire peuple méprisable, et banlieue, lieu de bannissement. Il veut envoyer le peuple méprisable dans un lieu de bannissement. Et Neuilly, ce n'est pas un ghetto de riches ?»
En face de lui, l'humoriste Muriel Robin bouillonne. Elle qui entretenait de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy se dit scandalisée : «S'il y a un mec qui utilise des mots comme Kärcher, ça fait mal, ça me fait mal» Tous deux sont finalement rejoints par Joey Starr, venu parler de l'opération montée par le collectif Devoirs de mémoires (lire encadré) : «Aller voter, c'est la seule manière de dire qu'on n'est pas d'accord», dit-il. Pas d'accord avec Nicolas Sarkozy, bien sûr. Car si le nom du patron de l'UMP n'est pas prononcé, il est clairement sous-entendu.
«Petit Napoléon en devenir»
Les temps ont changé pour Nicolas Sarkozy. A une certaine époque, il séduisait pourtant Bertrand Tavernier et le même Jamel Debbouze : «Moi, je vote à gauche, mais je dois avouer que Sarkozy, il a fait des trucs bien, comme la suppression de la double peine», confiait-il voici deux ans. Nicolas Sarkozy se battait alors pour la suppression de la double peine, refusait d'interdire la diffusion d'un livre jugé dangereux pour les bonnes moeurs, autorisait la tenue de la première rave légale sur une base militaire désaffectée. Mais le voici redevenu, depuis six mois, la proie des «bien pensants». Tête de Turc des «Guignols de l'Info», l'émission satirique qui fait les beaux jours de Canal + depuis plus de dix ans, le patron de l'UMP est désormais surnommé White Spirit, et caricaturé en un autre Le Pen, tandis que la marionnette du vieux tribun de l'extrême droite, ressortie du grenier, pleure sur ce Sarko qui lui vole sa «clientèle».
Depuis qu'il a prononcé les mots «Kärcher» et «racaille», Nicolas Sarkozy, qui réussissait à n'offrir aucun angle de tir aux attaques de ses adversaires, n'est plus une «cible mouvante» : il est une «cible» tout court. Cette longue chaîne de mises en causes diabolisera-t-elle le ministre de l'Intérieur, comme le fut le président du FN ? C'est l'objectif poursuivi par les plus militants du petit ou du grand écran qui stigmatisent en choeur cet «émule de Le Pen».
Du magazine Les Inrockuptibles à l'association Act Up, qui diffuse une affiche où l'on découvre une photo de Nicolas Sarkozy encadrée du slogan «Votez Le Pen» (nos éditions d'hier), on retrouve la «génération morale» des trentenaires qui ont milité pour SOS-Racisme. Nourris au lait de Canal +, car la chaîne cryptée a joué pour Jamel, Eric&Ramzi, Bruno Solo, Yvan Le Bolloc'h et quelques autres, un rôle d'incubateur, ils partagent les mêmes réflexes. Tel l'acteur Patrick Timsit, qui souhaite, dans VSD, que, pour Noël, «Nicolas Sarkozy soit un peu moins père fouettard». Autre enfant de Canal +, le réalisateur Matthieu Kassovitz, qui, l'un des premiers, a voulu «taper sur Sarko», dans son blog, où il s'indigne : «Comme Bush, Sarkozy ne défend pas une idée, il répond aux peurs qu'il a lui-même instillées dans la tête des gens.» Et voit en Sarkozy «une starlette de la Star Ac' et un petit Napoléon en devenir».
Autre embardée, celle de Luc Besson, dans une interview au magazine Première : «Racaille, je n'ai rien entendu d'aussi violent depuis Le Pen et sa haine de la différence.» Et il ajoute, à propos de Banlieue 13, film qu'il a produit : «A la fin du film, on voit un ministre de l'Intérieur qui déclare : «Y en a marre de cette racaille qui coûte une fortune à l'Etat.» Je me demande si Kärcher 1er n'a pas piqué les dialogues. Et puisqu'on parle de la drogue, la vraie, la dure, ce n'est pas dans le 93 qu'on la consomme le plus, mais à Neuilly. Ce n'est donc pas le Kärcher que Sarkozy devrait passer chez lui, mais l'aspirateur !»
La liste ne cesse de s'allonger. Le Canard enchaîné révèle ainsi que lors d'une interview réalisée pour Paris Match, et partiellement censurée, Yannick Noah, nouveau chouchou des Français, aurait déclaré, après avoir évoqué la récente crise des banlieues : «Une chose est sûre : si jamais Sarkozy passe (NDLR : en 2007), je me casse !» Un observateur y voit la bataille du rap contre la chanson française, que Sarkozy connaît sur le bout des doigts. Pas sûr, si l'on tient compte de cette sortie de Pierre Perret, qui déclarait à la fin novembre : «Dire que l'on va passer tous ces gens au Kärcher est un effet d'annonce néfaste, nauséabond. C'est lamentable de la part de personnes qui envisagent de devenir chef d'Etat.» Déjà, au début du mois de septembre, Alain Souchon, dans son dernier album, s'en prenait à «ce futur président qui sourit tant qu'on lui voit un couteau entre les dents». Sans cacher qu'il visait là le ministre l'Intérieur.
Source : Le figaro/AFP