PARIS (Reuters) - L'ancien Premier socialiste Lionel Jospin a été indirectement mis en cause lors du procès en correctionnelle visant des emplois présumés fictifs à la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef).
Olivier Spithakis, ex-directeur général de la Mnef, a affirmé que le chef de cabinet de Lionel Jospin, ministre de l'Education nationale de 1988 à 1992, avait demandé l'octroi d'un salaire de complaisance au profit de Marie-France Lavarini, une de ses proches collaboratrices.
Ce procès intervient alors que s'ouvre la course à l'investiture du Parti socialiste pour la candidature à l'élection présidentielle de 2007.
Devant les juges, Olivier Spithakis a expliqué que Jean-Marie Le Guen, un des dirigeants du PS, l'avait contacté en 1990 pour lui demander d'aider financièrement Marie-France Lavarini, qui avait déjà un emploi rémunéré de conseillère technique chargée de la communication au cabinet Jospin.
"Je suis contacté (ensuite) par le chef de cabinet de M. Jospin avec qui nous avons une discussion qui consiste à faire en sorte que quelqu'un puisse être mis à disposition de la Mnef (en contrepartie), et payé par l'Education nationale", a raconté Olivier Spithakis.
L'affaire s'est selon lui conclue ainsi, et Olivier Spithakis a indiqué que Marie-France Lavarini n'avait effectué aucun travail pour la Mnef. Il a même présenté à la barre, comme témoin, une enseignant détaché à la Mnef en contrepartie.
Durant l'instruction, Olivier Spithakis n'avait jamais fait état de cette version, assurant que Marie-France Lavarini avait réellement travaillé pour la mutuelle. "Je le devais au peuple de gauche", s'est-il justifié, expliquant qu'il avait voulu protéger Lionel Jospin.
"J'AVAIS TROP HONTE"
Marie-France Lavarini a été salariée par la Mnef du 1er janvier 1990 au 14 février 1993 pour un total de 397.435 francs (60.000 euros). Dès sa mise en examen en 2000, cette dernière a reconnu n'avoir jamais travaillé et elle a remboursé l'argent.
A la barre du tribunal, elle a expliqué qu'elle avait sollicité cette aide auprès de Jean-Marie Le Guen, car elle rencontrait des problèmes financiers, était "en instance de divorce" et subissait une dépression nerveuse.
Elle a expliqué avoir reçu ensuite son contrat de travail Mnef par la Poste. Elle a assuré n'en avoir jamais informé Lionel Jospin. "J'avais trop honte, je n'en ai jamais informé mon ministre", a-t-elle affirmé.
Le président du tribunal a fait remarquer que le salaire de complaisance avait continué à être versé après la dépression nerveuse et après son départ du cabinet Jospin en 1991.
Elle a en effet cumulé entre 1991 et 1993 le salaire de la Mnef et un emploi rémunéré dans une société de production audiovisuelle dirigée par la journaliste Anne Sinclair.
Olivier Spithakis a précisé que c'est encore le cabinet de Lionel Jospin qui lui avait directement demandé, en 1991, de poursuivre la rémunération de complaisance de Marie-France Lavarini jusqu'aux élections législatives de 1993.
Dominique Lévêque, ancien président du conseil d'administration de la Mnef, a ajouté que l'affaire était "un secret de polichinelle".
"Elle (Marie-France Lavarini) n'était pas un personnage anodin, sa proximité avec Lionel Jospin m'avait un peu effrayée. Cette opération nous a bien été proposée par le cabinet (de Lionel Jospin), il y a eu un 'deal'", a-t-il dit.
Il a ensuite fait état de liens quasi-institutionnels entre le PS et la Mnef, et raconté spontanément un épisode où il aurait été convoqué en 1987 rue de Solférino, siège du parti, par le Premier secrétaire du PS - Lionel Jospin - alors qu'il allait devenir président de la Mnef.
"Il y avait un parfum d'implicite", a-t-il dit.
Au total, 24 prévenus soupçonnés d'avoir bénéficié d'emplois fictifs à la Mnef comparaissent à ce procès, ouvert le 1er mars et qui doit s'achever le 31 mars.
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