[b][u] Ségolène Royal, candidate attrape-tout [/u]
Avant de commenter ce sondage, deux mots sur l’affaire Clearstream. On en parle tous les jours : un dénonciateur anonyme qui accusait des responsables politiques d’avoir des comptes secrets dans une banque luxembourgeoise. Tout cela s’avère faux. Des juges enquêtent, ils étaient récemment dans le bureau de M. Alliot- Marie, ministre de la Défense. Pensez-vous que nous sommes en face d’une affaire d’Etat ? [/b]
S’il était établi que de hauts responsables de l’Etat aient commis des faux, pour nuire à des hommes politiques, de gauche et de droite, ce serait une affaire d’Etat.
Voilà, c’est dit. On suit cette affaire un peu tous les jours, c’est un feuilleton qui préoccupe beaucoup, évidemment, les responsables politiques. Donc, le baromètre TNS-Sofres-Unilog pour le Grand Jury : N. Sarkozy - ce n’est pas une surprise - à droite, et S. Royal qui s’affirme beaucoup, à gauche.
Ce n’est pas une surprise, non plus.
Ce n’est pas une surprise, mais c’est plus récent.
C’est une montée régulière, qui ne surprend pas vraiment aujourd’hui. Ce n’est pas le premier sondage qui donne ces résultats.
C’est une adversaire difficile, pour vous, S. Royal ?
Bien sûr, c’est une adversaire redoutable parce qu’elle a l’avantage de la nouveauté, de la rénovation de son camp. Je n’ai pas très bien compris, dans ce qu’A. Duhamel a dit, tout à l’heure, ce qui était "un caractère de droite". Si c’est un mauvais caractère, cela m’inquiète.
En tout cas, on dit qu’elle utilise, souvent, des thèmes qui étaient traditionnellement ceux de la droite, par exemple, la famille. Est-ce que cela rend la campagne difficile pour un candidat de droite, d’avoir affaire à quelqu’un qui ne correspond pas au profil type de la gauche ?
J’ai remarqué que, dès le premier tour, elle prend des voix au centre. Elle est très nuisible pour F. Bayrou. Elle prend des voix chez les écologistes et elle prend aussi des voix à droite, y compris chez N. Sarkozy. La question est : cela peut-il durer pendant un an, en lui permettant de conserver les voix qu’elle prend aussi à l’extrême gauche ? Pour le moment, elle est un peu dans une situation "attrapetout". C’est parce qu’elle est dans l’ambiguïté et la campagne dissipe les ambiguïtés.
C’est dangereux, c’est difficile à saisir, sans doute, ce que vous appelez vous-même "un candidat attrape-tput". Cela doit être compliqué de faire une campagne contre un candidat comme cela ?
Fort heureusement, la campagne a pour objet d’élucider le fond et les convictions des candidats. D’une certaine manière, une campagne, c’est une radioscopie. Elle montre la vérité des idées, des propositions des candidats et, à ce moment-là, l’ambiguïté se dissipe.
La politique - c’est une banalité de le dire - est un monde d’hommes. Est-ce difficile d’imaginer, de concevoir, puis de mener une campagne contre une femme ?
Je pense que cela ne doit pas se mener de la même manière. D’abord, parce qu’il faut le dire, d’une certaine manière, S. Royal rénove son camp. C’est-à-dire que, ce qui est intéressant dans ce duel, c’est que les deux candidats apparaissent, d’une certaine manière, comme de véritables rénovateurs de leur propre camp. Et c’est plutôt intéressant.
Vous parliez du centre ; on voit surtout qu’au deuxième tour, puisque TNS-Sofres a fait une projection...
Oui, mauvais report du centre vers la droite...
Vers N. Sarkozy. 44% des gens qui disent : "Je voterai pour F. Bayrou, au premier tour", disent : "Je voterai S. Royal au deuxième tour". C’est un problème pour vous !
C’est surtout un problème pour le centre, si vous me le permettez !
Le centre, on en parlera avec F. Bayrou, mais pour vous ?
Je rappelle quand même que tous les députés centristes sont élus dans des circonscriptions de droite. Et donc, il va falloir qu’ils se fassent réélire avec une telle appétence pour la gauche. Cela va être plus difficile pour eux. Pour nous, on est à 51/49.
Au deuxième tour...
Cela ne veut rien dire 51/49, on est à égalité. C’est la campagne qui fera la différence. Je crains, pour S. Royal, que ses principales difficultés soient plus à gauche qu’à droite. J’entends déjà ses amis, qui font, d’ailleurs, un score assez piètre au premier tour par rapport à elle. Je les entends déjà se manifester avec peu d’aménité. Donc, finalement, pour nous, à droite, je pense que nous serons moins agressifs à l’égard de la femme S. Royal que ses propres amis.
"S. Royal a le projet d’accrocher le centre et la gauche", c’est J.-P. Raffarin qui dit cela aujourd’hui dans le Point. Il a de la "vista", J-P. Raffarin ! Il le disait avant le sondage.
Oui ! Et puis, cela peut aussi rencontrer quelques relations avec le centre lui-même.
Pensez-vous qu’il y ait un projet, quelque chose, des négociations secrètes ?
Non, il y a des idées qui circulent, simplement. C’est une veille idée, d’ailleurs, qui remonte à la IVème République : l’alliance de la gauche et du centre. La Vème République ne l’a pratiquement jamais permis mais cela demeure dans les esprits. Mais, à mon avis, comme je le disais tout à l’heure, c’est impossible pour le centre, sauf à s’autodétruire parce que ses parlementaires sont élus à droite.
Dans ce sondage - pour dire les choses clairement - D. de Villepin est dans les choux.
Oui. C’est pour cela, d’ailleurs, que je suis un peu étonné de la présentation du sondage que je trouve, de ce point de vue là, un petit peu manipulé.
"Manipulé" ? Rien que ça !
Oui, c’est très simple : pour tester les différents candidats de gauche, on met S. Royal seule contre deux candidats de droite. Et pour tester les deux candidats de droite, on les met ensemble. Cela, c’est une manipulation.
B. Teinturier sera dans le journal, tout à l’heure, on lui parlera de la manipulation.
Parce que normalement, N. Sarkozy devrait, dès le premier tour, faire les deux scores tout seul : non pas 30, mais 30 plus les 6 de Villepin, parce que Villepin ne sera pas candidat à 6 % contre N. Sarkozy.
Quelque chose de cocasse dans le monde politique : P. Corbet racontait, dans le journal de 7h30, que B. Niquet, un collaborateur ancien de J. Chirac et qui a aussi beaucoup travaillé avec B. Chirac, était nommé préfet de région en Poitou-Charentes. Alors on va espionner, surveiller, contrôler S. Royal, par le biais de l’appareil préfectoral ?
Non, je crois que c’est un bon préfet des Yvelines.
Récent, il y a deux ans qu’il a commencé la carrière. ...
Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années, c’est bien connu.
C’est vous qui le dites ! Et donc ?
Je crois que c’était un bon préfet des Yvelines et le destin d’un bon préfet de département est de devenir préfet de région. La région Poitou- Charentes, sans injurier personne, n’est pas une très grande région. C’est un premier poste, pour un préfet de région, tout à fait naturel.
Donc, c’est une chance pour S. Royal. Elle a à faire à un bon préfet ! Vous étiez ministre de l’Industrie, il y a quelques mois encore. F. Loos qui vous a succédé était dans ce studio mardi, et disait que face à l’augmentation du prix du pétrole, il ne pouvait pas faire grand-chose. Ça ne sert à rien un ministre alors ?
Je pense que la France, seule, ne peut pas faire grand chose mais que l’Europe pourrait faire quelque chose. Et ce qu’elle pourrait faire, d’abord, c’est de parler d’une seule voix, en réunissant tous les ministres de l’Energie de l’Europe - j’avais commencé à le faire - et ensuite en mettant en commun les stocks commerciaux et les stocks stratégiques, pour agir contre la spéculation sur le marché, et en intervenant. Parce que le prix du baril provient, aussi - pas seulement, mais en grande partie - d’une spéculation. Et cela, il faut se donner les moyens de lutter contre la spéculation. On peut le faire avec nos stocks, en intervenant sur les marchés, s’ils sont mis ensemble à l’échelle européenne.
Donc, F. Loos n’y a pas pensé ?
Je ne dis pas qu’il n’y a pas pensé. Il le fera peut-être.