Une majorité de Français soutient Mme Royal sur la sécurité
LE MONDE | 05.06.06 | 11h01 • Mis à jour le 05.06.06 | 21h13
es propositions faites par Ségolène Royal en matière de lutte contre la délinquance suscitent l'approbation majoritaire des Français et écrasante des électeurs du Front national. En revanche, elle coupe en deux l'électorat socialiste, qui se demande si la candidate reste fidèle aux valeurs de la gauche. C'est ce qui ressort d'une enquête réalisée, les 2 et 3 juin, par Ipsos pour Le Monde et La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale auprès de 947 personnes interrogées par téléphone. Parmi les sondés, 78% – 79% des électeurs socialistes – approuvent le placement des collégiens perturbateurs dans des "internats-relais" et une reprise en main par des tuteurs; 69% de la population – 67% des socialistes – sont favorables à la proposition de mettre les délinquants de plus de 16 ans "dans des établissements à encadrement militaire pour apprendre un métier ou réaliser un projet humanitaire".
Résultats détaillés du sondage
La réaction des Français après les déclarations de Ségolène Royal en matière de lutte contre la délinquance.
Présentation de l'enquête Ipsos / Le Monde / La Chaîne Parlementaire-Assemblée Nationale 2-3 juin 2006.
Résultats détaillés par âge et catégories socioprofessionnelles.
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Mme Royal dans le texte
A Bondy, le 31 mai, MmeRoyal a proposé :
– "La mise sous tutelle provisoire des allocations au premier acte d'incivilité de l'enfant" et "l'obligation pour les parents de suivre un stage de parents non pour les humilier (…) mais pour regrouper les mamans".
– La création d'"éducateur sportifs" pour assister les enseignants.
– Le retrait, au niveau des collèges, "des élèves qui perturbent la vie scolaire" et "le placement d'office dans des internats-relais de proximité".
– Le placement dès 16 ans, "au premier acte de délinquance", dans "des établissements à encadrement militaire" pour des projets "(…) humanitaires".
Le sujet le plus controversé, la création d'une "école des parents" et la mise sous tutelle provisoire des allocations familiales, recueille l'assentiment de 55% des Français, tandis que 42% s'y opposent. Cette mesure divise l'électorat socialiste (50% sont pour, 48% contre) mais est approuvée à 81% par les électeurs du FN. L'électorat de Jean-Marie Le Pen est celui qui soutient le plus massivement les propositions de Mme Royal, à chaque fois à plus de 80%.
La candidate à l'investiture socialiste pour la présidentielle de 2007 sème le trouble à gauche. 50% de la population et 48% des socialistes pensent qu'avec ses propositions elle s'éloigne des valeurs de gauche.Ce sentiment est partagé par plus de 60% des électeurs du FN et de l'UMP. Seuls 34% des Français et 43% des socialistes estiment au contraire qu'elle reste fidèle aux valeurs de gauche. Selon Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos France, "elle réactive une division des socialistes, déjà vue en 2002 et dont Jean-Pierre Chevènement s'était emparé. Elle a le soutien de la majorité de la population sur ce qu'elle propose, mais elle doit affronter un électeur sur deux du PS qui ne comprend pas, car ce n'est pas l'idée qu'il se fait de la gauche".
"CLIVAGE MAJEUR"
Les propositions de Mme Royal, particulièrement celles concernant les allocations familiales, recueillent moins de succès chez les moins de 35 ans, frange de l'électorat auprès de laquelle M. Sarkozy peine lui aussi à s'imposer. Il en est de même parmi les cadres supérieurs et les diplômés bac +2. En revanche, les propositions de la candidate suscitent un fort taux d'approbation chez les ouvriers, les retraités et les titulaires d'un BEP ou d'un CAP ainsi que dans les ménages au revenu inférieur à 1200 euros par mois. "C'est dans ces milieux populaires que Nicolas Sarkozy réalise les meilleurs scores. Elle a réussi à susciter une attente de milieux demandeurs du rétablissement de l'autorité", résume M. Giacometti. Toutefois, pour résoudre dans les prochaines années les problèmes de sécurité et de délinquance dans les banlieues, les Français font confiance à 52% à Nicolas Sarkozy et 29% à Ségolène Royal, 14% à aucun des deux. Le score de M. Sarkozy est écrasant à l'UMP (88%), au FN (83%) et non négligeable au PS (26%). "Ségolène Royal court le risque d'apparaître à contre-emploi, d'être en retard, car Nicolas Sarkozy, qui est au ministère de l'intérieur, a pris de l'avance", poursuit M. Giacometti. Le PS n'étant pas au pouvoir, il n'est pas en mesure de faire ses preuves. "Si les Français voient qu'il y a un débat au PS, c'est un élément d'affaiblissement de sa crédibilité, alors que la droite est unanime", poursuit M. Giacometti. "Ségolène Royal a pris un risque politique. Elle a eu l'intuition qu'il y avait une attente nouvelle d'autorité, mais ses propositions montrent une profonde division de l'électorat socialiste. Pour la première fois, on voit qu'elle ne peut plus apparaître consensuelle. Elle vient de créer un clivage majeur la concernant."
Arnaud Leparmentier