[b][u]Pourquoi des CRS inefficaces face aux casseurs ?[/u]
[img]
http://s.tf1.fr/mmdia/i/23/0/2140230_5.jpg[/img]Pour Alain Bauer, criminologue et spécialiste des questions de sécurité, les forces de l'ordre doivent revoir leur stratégie pour immobiliser les casseurs. "Une charge classique causerait de nombreux blessés" explique-t-il. [/b]
LCI.fr : Aujourd'hui, on se retrouve face à plusieurs types de casseurs ?
Alain Bauer : Oui, il y a les groupes composés d'anarchistes et de militants radicaux qui existent depuis toujours. Leur objectif est classique : s'attaquer aux institutions et à leurs symboles. Ils ne s'en prennent pas aux manifestants mais veulent " casser du flic ". Ce sont ceux qui étaient à l'œuvre lors des occupations de la Sorbonne et de l'EHESS. Mais aujourd'hui, on est confronté à d'autres groupes de casseurs venues des banlieues et dont les motifs sont purement crapuleux : dégradations, vols de matériels, et violences aux personnes.
Comment expliquez-vous la polémique sur l'inaction des forces de l'ordre lors de la manifestation de jeudi dernier, notamment lors de la dispersion place des Invalides ?
Nous avons assisté au même phénomène que lors des émeutes de novembre en banlieue. Les forces de l'ordre sont dans la situation de la bataille d'Azincourt (défaite des Français face aux Anglais en 1415) : un face à face entre un escadron lourd et blindé et des petits groupes d'archers très mobiles. La technique policière est donc inadaptée. Au début des années 80, la réponse aux nouvelles violences avait été la création de Pelotons Voltigeurs Motorisés équipés de gros bâtons. Mais la plupart d'entre eux n'étaient pas des professionnels et avaient du mal à se maîtriser. Cela s'est terminé par la mort de Malik Oussekine en décembre 1986. Après ce drame, ce dispositif a été supprimé et non remplacé.
On est revenu à une situation où les CRS ne savent gérer que des affrontements classiques. S'ils chargeaient des groupes mobiles dans une manifestation, on pourrait se retrouver avec plusieurs dizaines de blessés. Et si, par malheur, on déplorait un mort parmi les casseurs, il deviendrait le lendemain un martyr, avec pour conséquence une probable explosion de violences dans le quartier où il habite. Depuis le traumatisme Malik Oussekine, la consigne est donc : mieux vaut beaucoup de casses qu'un blessé ou un mort.
Des images ont toutefois montré des casseurs s'en prenant très violemment à des jeunes jeudi soir sous les yeux des CRS ?
Oui, mais c'est toujours le même dilemme : charger ou ne pas charger ? Puisque le ministre de l'Intérieur a donné des consignes de prudence, et on peut le comprendre, les CRS n'ont pas chargé. Pour revenir sur la situation place des Invalides jeudi soir, il faisait sombre au moment de la dispersion de la manif. Les forces de l'ordre ont donc du gérer en même temps cette dispersion et les casseurs qui se sont mis en action de manière très mobile. Les courser aurait pu provoquer des victimes plus ou moins graves. Or l'opinion n'est pas capable d'assumer un gamin blessé ou tué, même si c'est un casseur. La mort est devenue dans nos sociétés quelque chose d'inacceptable alors que des victimes lors de manifestations dans le tiers-monde ne provoquent pas une telle émotion chez nous. Il faut faire avec cette donnée.
Il faut donner aujourd'hui aux forces de l'ordre les moyens d'intervenir dans ces situations, c'est-à-dire recréer des petites unités de police très rapides et professionnalisées. Comme pour la brigade anti-criminalité (la BAC), une formation psychologique est indispensable.
Source, LCI